Mr Le Président Macron, la santé vaut bien un grand débat !

Tribune publiée dans Le Monde le 24/05/2019 (disponible)

L’hôpital public, avec la création des CHU en 1958, a largement participé au XXème siècle à la mise en place d’une médecine d’excellence de réputation mondiale. Alors que les talents sont toujours présents et les progrès technologiques sans précédent, l’hôpital connait aujourd’hui la crise la plus profonde qu’il n’a jamais traversé.

Généralisée à l’ensemble de notre système de santé, cette crise justifie d’utiliser l’aspiration populaire actuelle à davantage de démocratie participative pour refonder notre système de santé. L’Institut Santé*, formule des propositions et invite à poursuivre le débat. Cette réflexion a pour objectif ici de reconstruire l’hôpital de demain de l’intérieur mais aussi de repenser ses interactions avec les autres composantes d’un territoire de santé défini.

 

Une série de réformes qui ont considéré l’hôpital en vase clos

Que ce soit le passage aux 35 heures en 2002 à effectif égal, la mise en place de la tarification à l’activité en 2004, l’instauration d’une gouvernance d’entreprise en 2009 et d’une nouvelle gouvernance territoriale en 2015, les Pouvoirs Publics, en s’arc-boutant sur une vision isolée, fermée et immobilière de l’institution, l’ont durablement affaiblie face aux nouveaux enjeux du XXIème siècle.

L’Hôpital public se trouve ainsi confronté aujourd’hui à des difficultés multiples dont les plus importantes sont le monopole administratif de la gouvernance, la perte d’attractivité pour le personnel médical, la surcharge de travail pour le personnel soignant et les difficultés d’établir un vrai partenariat public-privé et ville-hôpital.

Robert Debré, père des CHU, évoquait « la fin prochaine des grandes bâtisses de pierre », avec un hôpital qui se fondra dans la ville et une médecine de ville qui exercera des activités réalisées auparavant en milieu hospitalier. Nous sommes sur cette voie mais les conditions de réussite, en interne comme en externe de l’hôpital, de cette transformation ne sont pas encore présentes.

 

Refondre l’organisation interne de l’hôpital                                       

Un rééquilibrage des pouvoirs est nécessaire entre l’administration et la communauté médicale et paramédicale afin d’optimiser le service médical rendu dans le respect des contraintes financières et dans des conditions de travail optimisées pour les ressources humaines. C’est la communauté médicale qui doit décider démocratiquement du choix de ses représentants au sein du directoire et des pôles d’activité redéfinis en fonction d’objectifs médicaux communs, plus que d’objectifs comptables. La diversification des profils des dirigeants, la professionnalisation du management médical, le développement d’une culture de l’évaluation par les pairs sont, entre autres, des évolutions urgentes à instaurer.

Une véritable autonomie de gestion et de management doit être appliquée vis-à-vis de la gouvernance régionale et des élus locaux, à l’échelle de l’établissement et des pôles d’activité. Chaque établissement, quel que soit sa taille, doit disposer des moyens et de la confiance des Pouvoirs Publics pour mener à bien sa feuille de route définie dans son contrat d’objectifs et de moyens à partir duquel il est régulièrement évalué. Un pilotage en partie régional et décentralisé du parc hospitalier est à instaurer.

La décentralisation de la décision est, en effet, une clé essentielle pour redonner du sens et de la reconnaissance à l’ensemble du personnel hospitalier. Un enjeu essentiel de reconstruction est de redynamiser l’attractivité intellectuelle, professionnelle et financière de l’institution hospitalière pour ses ressources humaines.

Le statut du Praticien Hospitalier (PH) doit être rendu plus attractif, par exemple en facilitant la mobilité géographique et en permettant au PH de travailler à l’extérieur de l’hôpital s’il le souhaite dans la mesure ou la continuité des soins est correctement assurée. Le contrôle à l’entrée (concours) est probablement à préserver pour s’assurer d’un niveau de qualité des PH. Toute proposition pour améliorer l’attractivité doit remplir les conditions intangibles de service public au cœur des missions hospitalières (continuité, universalité, adaptabilité, neutralité).

 

Repenser la place et les interactions de l’hôpital avec les autres acteurs du système de santé

Les CHU, tout en gardant un rôle de formation des internes pour les soins courants, doivent se recentrer davantage sur leurs activités de recours ultraspécialisées. La concentration de la recherche hospitalière sur une concentration de pôles de recherche de dimension internationale répartie équitablement sur l’ensemble du territoire est aussi une évolution indispensable pour dynamiser l’innovation. Le CHU doit jouer un rôle pivot dans l’enseignement et la formation du personnel médical et paramédical en lien avec les autres hôpitaux et la médecine générale.

Ce repositionnement du CHU en tête de réseau, qui s’accompagnerait de l’unification de la gouvernance des 3 secteurs des soins – ville, hôpital et médico-social- en lien avec l’Assurance maladie, permettra de fluidifier les parcours de soins des patients et la coordination entre les offreurs de soins. Cela conduira aussi à confier aux équipes de soins une responsabilité territoriale de la santé des Français, pilotée à travers des gouvernances infra-régionales gérées démocratiquement par les professionnels de santé et les patients participant ainsi à réduire les déserts médicaux.

La mutation du parc hospitalier ne peut complètement réussir que si un vrai partenariat public-privé et ville-hôpital est mis en place, en étant vigilant sur l’accessibilité de tous à l’offre de soins. Par exemple, passée de 850 maternités à 520 en 20 ans, la gynécologie obstétrique a quasiment finalisé la mutation de son parc hospitalier, avec une gradation de l’offre en 3 niveaux selon la complexité des soins. Cette rationalisation de l’offre a favorisé les progrès en matière de sécurité et de réduction la morbi-mortalité maternelle et périnatale. Elle a perdu parfois un peu de proximité, c’est pourquoi des réseaux ville-hôpital centrés sur les besoins de la femme enceinte sont à développer.

Enfin, le projet de loi du Gouvernement sur « l’organisation et la transformation du système de santé » est à soumettre au grand débat populaire. N’hésitons pas à le susciter et à le prendre en main.

L’Institut Santé souhaite animer, avec toutes les bonnes volontés, ce débat démocratique sur l’ensemble des problématiques affectant la refondation du système, afin que le bien le plus précieux de chacun d’entre nous soit au cœur de l’ensemble des politiques publiques et que la France reste une référence mondiale pour la santé de l’être humain !

 

 

Les signataires sont membres de la Commission Hôpital de l’Institut Santé

 

Pr Jean-Marc Ayoubi, Chef de service de gynécologie-Obstétrique hôpital Foch
Professeur à la faculté de médecine de l’UVSQ ;Dr Philippe Breil,Chirurgien viscéral en libéral ; Frédéric Bizard , Economiste, Président Fondateur de L’Institut Santé ; Dr Florence de Rohan-Chabot, Psychiatre, Praticien Hospitalier, Maison Blanche;  Christelle Galvez, Directrice des soins, Centre Léon Bérard, Lyon ;  Pr Alain Deloche,Professeur de chirurgie, co-fondateur de « Médecins du monde », fondateur de l’association « La Chaîne de l’espoir » ;David Gruson,Spécialiste système de santé; Karim Hatem,  Consultant Système de santé ; Pr René Frydman, Gynécologue-Obstétricien, Professeur des Universités ; Richard Hasselmann,Président de Libr’Acteurs ;  PrMichel Hasselmann, Professeur honoraire à la Faculté de médecine de Strasbourg, Dr Nathalie Kearjean-Pons, Pharmacien Hospitalier, AP-HP ; Dr Gérald Kierzek,médecin urgentiste, AP-HP;Pr Laurent Lantiéri,Chirurgien Plasticien, Professeur à l’Université Paris Descartes.

Publiée dans Le Monde le 24/05/2019 (disponible)