Métropoles : une place incontournable dans la santé de demain !

Publié dans Les Echos le 4 avril 2022

 

La crise Covid a placé pendant deux ans la santé au coeur du quotidien des responsables des collectivités territoriales, dont les maires et présidents de métropoles. Cependant pour de nombreux élus c’est la crise systémique de la santé qui est la plus préoccupante.

Elle conduit un nombre croissant d’administrés d’exiger auprès de leurs élus un droit fondamental, dont la France fut un modèle, le droit d’être soigné. Certains élus ont même dû ‘porter plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui’ en 2021 pour faire pression sur l’Etat, dont c’est la compétence.

La question de l’accès aux soins pour tous est devenue une préoccupation majeure des élus. Si les réponses sont multifactorielles, l’approche territoriale et démocratique de la santé facilitera la résolution de cette faille. Cependant, c’est la nouvelle promesse du futur système de la santé, passer de l’accès aux soins pour tous à l’accès à la santé globale pour tous, qui placera les métropoles comme des acteurs incontournables du futur système de santé.

Le SOS des élus locaux face aux déserts médicaux

Alors que seulement 1 % de la population (600 000 personnes) habitait dans un désert médical en 2007, ce chiffre est aujourd’hui de 11 %, soit près de 7 millions de personnes. Plus de 150 cantons n’ont plus de médecins généralistes et 80 % des cantons ont connu une baisse de la densité de leurs médecins généralistes depuis 10 ans, un phénomène qui après avoir d’abord touché le milieu rural, ne cesse de frapper en milieu urbain désormais. Outre la médecine de ville, la crise hospitalière et la faible présence médicale dans les Ehpad mettent en péril l’accès à un médecin pour nos concitoyens. Si les causes sont multifactorielles, l’essentiel est lié à la démographie, à la suradministration de la santé et à une gouvernance inadaptée.

La hausse du nombre de professionnels formés ne réglera rien à court terme du fait de la longueur des études. Elle sera à faible impact à moyen terme si l’attractivité de l’installation en ville et dans les établissements n’est pas pleinement restaurée et si la répartition des installations ne correspond pas au volume des besoins. Avec plus de 15 % du temps médical dédié aux tâches administratives, la suradministration de la santé est source de perte des vocations.

Spirale décliniste du système de santé

En 2020, 25 % des nouveaux inscrits à l’Ordre des médecins n’étaient pas en activité régulière. Avec l’acte le plus courant en ville valorisé 25 € (12 € net de charges), cette dévalorisation de la prestation intellectuelle médicale est délétère à tous les niveaux.

Ce que les élus ont ressenti dans la crise Covid avec des injonctions souvent contradictoires des pouvoirs Publics et déconnectées des réalités du terrain, les professionnels de santé le vivent au quotidien depuis une décennie. La faiblesse de la démocratie participative en santé, excluant du processus de décision ceux qui ont la compétence médicale et ceux qui ont la connaissance des territoires, est une faiblesse majeure du système actuel. Elle explique la spirale décliniste du système de ces dernières années.

Pour une approche territoriale et démocratique de la santé de demain

Dans le futur système de santé, la nouvelle gouvernance devra piloter le système avec une approche globale de la santé, à partir des besoins de santé de la population et à travers des institutions démocratiques de proximité.

Cette triple évolution stratégique impliquera une territorialisation aboutie de la santé qui se traduira par des territoires de santé communs à tous les professionnels de santé. Ces territoires apporteront des réponses concrètes aux besoins de santé des citoyens. Tous les professionnels de santé, du privé comme du public, délivreront un service public territorial de santé qui se substituera au service public hospitalier actuel.

Reconquête de confiance

Couvrant une population de l’ordre de 150 000 personnes, ces territoires de santé seront dotés de missions de santé publique et de soins. Les professionnels de santé y auront ainsi une responsabilité populationnelle et organisationnelle des services de santé. Chaque territoire sera piloté par un groupement territorial de santé (structure associative) dans lequel tous les acteurs seront représentés, dont les élus locaux.

Cette gouvernance locale ne sera pas une structure administrative, mais un espace de dialogue, d’échange et de décision pour régler les problèmes concrets entre acteurs compétents et de proximité. Elle sera à la base d’une reconquête de confiance et d’attractivité pour les professionnels de santé qui se sentiront renforcés, valorisés et responsabilisés dans un système qu’ils influenceront au quotidien.

Dotées de missions pour le développement et l’aménagement économique, social et culturel, pour la politique de la ville, les métropoles deviennent de facto un acteur incontournable de la santé de demain.

Missions des métropoles au coeur de la santé de demain

Le nouveau système de santé agira sur l’ensemble des déterminants de santé, dont 80 % sont en dehors du soin, et visera l’ensemble de la population (bien portants et malades). Les politiques publiques influant sur la qualité de vie des citoyens à tous les âges de la vie, afin de maximiser l’espérance de vie sans incapacité et le bien-vieillir, sont parties prenantes du futur système de santé.

En ce sens, les métropoles sont au coeur de ces politiques publiques. Dotées de missions pour le développement et l’aménagement économique, social et culturel, pour la politique de la ville, de l’aménagement urbain et de l’habitat, pour la gestion de services d’intérêt collectifs et la mise en valeur de l’environnement et du cadre de vie, les métropoles deviennent de facto un acteur incontournable de la santé de demain.

Pour une couverture médicale optimale

Concernant les professionnels de santé, si les élus locaux n’ont pas vocation à gérer l’offre de soins en France, ils ont des compétences qui leur permettront de faciliter la bonne implantation de ces professionnels et leur plein épanouissement personnel et professionnel dans les territoires.

Les élus des métropoles et grandes villes sont conscients de ces nouvelles responsabilités nées de la crise sanitaire et pour une couverture médicale optimale. Du reste, leur association représentative, France urbaine, a obtenu sur le volet santé des avancées significatives dans la loi dite 3DS récemment adoptée relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

Logique d’alliance des territoires

C’est une légitimité nouvelle en matière de santé publique et de cohésion sociale qui est consacrée : ainsi les collectivités territoriales sont reconnues dans le Code de la santé publique comme acteurs de santé participant ‘au droit à la protection de la santé et contribuant à développer la prévention, garantir l’égal accès aux soins et assurer la continuité des soins et la sécurité sanitaire’. De même, les intercommunalités rejoignent le conseil d’administration des agences régionales de santé (ARS) et les projets régionaux de santé élaborés par l’ARS devront systématiquement tenir compte des contrats locaux de santé (CLS) existants sur le territoire, à l’échelle communale ou intercommunale.

Ensemblier et fédérateur des acteurs du soin et de la santé : tel est finalement le rôle qu’ont vocation à tenir demain les territoires urbains, sans se substituer à l’Etat, en lien avec la médecine de ville, les CHU, les hôpitaux privés, le secteur médico-social (EHPAD, etc.), avec le souci des complémentarités plutôt que des concurrences ou oppositions stériles. Ce modèle coopératif permettra de créer un écosystème favorable à la santé globale des populations, dans une logique d’Alliance des territoires telle que défendue par France urbaine depuis sa création.

 

Signataires :

Frédéric Bizard, Professeur d’économie, ESCP, Président de l’Institut Santé

Gregory Doucet, Maire de Lyon, Co-Président de la commission Santé de France urbaine

Emile-Roger Lombertie, Maire de Limoges, Co-Président de la commission Santé de France urbaine

Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse, Président de Toulouse Métropole, Premier Vice-Président de France urbaine

Publié dans Les Echos le 4 avril 2022