Appel des 60 pour sortir notre système de santé de la crise – Reconstruisons une santé de la confiance et de l’égalité des chances !

Tribune parue le 6 janvier 2019 dans Le Parisien

Alors que notre société connaît des progrès technologiques et médicaux inégalés dans l’histoire de l’humanité, alors que la France dispose d’une des meilleures ressources humaines en médecine au monde, alors que notre pays dépense une part de sa richesse nationale plus élevée que la moyenne des autres pays développés, notre système de santé connaît la crise la plus profonde de son histoire.

Si le pouvoir politique n’est pas resté inactif depuis 20 ans, force est de reconnaître que les réponses apportées ont été selon les cas insuffisantes ou erronées. Les tensions sociales actuelles sont aussi l’expression populaire de l’incapacité des Pouvoirs Publics à inverser ce déclin. Pour sortir de cette spirale négative, l’Institut Santé propose une réforme systémique, un changement de cap de notre politique de santé sur les bases d’équité, d’autonomie et de solidarité de notre pacte républicain.

Pour une gouvernance décentralisée qui rétablisse la confiance dans le système

La création d’un Secrétariat d’Etat dédié à la Santé Publique incarnera le basculement indispensable du centre de gravité du système, du soin (curatif) vers la santé (globale). Face à l’émiettement mortifère actuel des agences sanitaires et des hauts Conseils, la création d’un Institut Pour la Qualité et l’Equité en Santé (IQES) remplira les principales missions de santé publique et regroupera l’ensemble des centres de décision actuels, avec une déclinaison régionale (IRQES).

Cette gouvernance efficiente permettra de piloter les 270 milliards d’euros de dépenses de santé à partir des besoins de santé, en définissant des priorités de santé publique. Les dépenses de prévention augmenteront à 3% de la dépense totale (contre 2% aujourd’hui), dans la moyenne de l’Union européenne et la recherche publique sera redynamisée en instaurant un système de gestion par projet capable d’investir rapidement face aux maladies émergentes et de lancer des projets très innovants.

Une nouvelle gouvernance des soins favorisera la démocratisation de la santé avec un pilotage des trois secteurs du soin confié à une Assurance Maladie réorganisée. Véritable institution de la démocratie, l’Assurance maladie sera gouvernée par un Conseil de Surveillance, composé des 8 collèges de la Conférence Nationale de santé, et d ‘un comité exécutif qui pilotera l’hôpital, les soins de ville et le médico-social.

En région, les Unions régionales des caisses d’Assurance Maladie seront les instances de pilotage de l’offre de soins et d’espace démocratique, en miroir de l’organisation nationale. Une nouvelle compétence sera confiée au Conseil régional pour le pilotage de la santé publique et l’instauration d’actions préventives efficaces par les déterminants de santé (santé à l’école, en milieu scolaire, sport santé…).

Avec un Etat repositionné dans son rôle de stratège et d’opérateur régalien de santé publique, avec une véritable délégation de service public du pilotage des soins confié à une assurance maladie pivot de la démocratie sociale, le système retrouvera une capacité de s’ajuster au nouveau monde et de rétablir la confiance.

Repenser les soins en visant plus d’autonomie des acteurs et d‘équité territoriale des prestations

L’hôpital public est à repenser pour répondre aux (nouveaux) besoins des patients, avec un rayonnement hors de ses murs et une organisation réfléchie à l’échelle régionale qui intègre davantage la réalité médicale. La Communauté médicale, et non plus le directeur, élira ses représentants au directoire et à la direction des pôles d’activité, dont la constitution doit répondre à une approche globale de parcours, impliquant la suppression des pôles fourre-tout à but uniquement administratif. Cette autonomie médicale et administrative au niveau des pôles (ou des services en l’absence de pôles) dans la gestion interne des hôpitaux sera aussi appliquée en externe vis-à-vis de la gouvernance régionale qui contractualisera avec les établissements dans un objectif d’autonomie réelle de gestion et d’organisation des établissements.

Le statut du Praticien Hospitalier (PH et PUPH) sera maintenu mais restructuré pour permettre au PH de travailler en dehors de l’hôpital une partie du temps s’il le souhaite, de diversifier son parcours et d’avoir une mobilité géographique. Des contrats de mission limités à deux valences (et non plus à trois) permettront aux PU-PH de se concentrer sur une mission de recherche ou d’enseignement en plus du soin. Les CHU auront une fonction de tête de réseau pour les soins ultraspécialisés, la recherche de pointe et l’enseignement.

Les soins de ville seront restructurés à partir des territoires selon une gouvernance composée de trois collèges, regroupant les parties prenantes locales, représentant l’ensemble des acteurs locaux. Dotée d’une autonomie financière pour son fonctionnement mais aussi pour la réalisation de certaines missions comme la permanence des soins, le développement de l’enseignement, de la recherche et l’accès à l’innovation, ces quelques 550 structures seront le cœur de la réorganisation de l’exercice libéral médical et paramédical afin de garantir un accès pour tous à tout moment à des soins de première qualité.

Cette gouvernance territoriale pilotera des pôles médicaux de proximité (PMP) qui garantiront la bonne réalisation des missions prioritaires à l’échelle local. L’accès aux soins primaires à tout moment, intégrant aussi les internes dans cette mission, désengorgera les urgences hospitalières. Ces PMP seront dotés des dernières innovations technologiques, accessibles à l’ensemble des soignants en contrepartie de leur participation aux missions du PMP.

Pour un financement solidaire à payeur unique qui optimise l’égalité des chances

Une nouvelle architecture de financement sera instaurée autour du principe d’un financeur unique par prestation de santé. Elle renforcera le rôle de l’Assurance maladie comme bouclier sanitaire prédominant du système. Elle diminuera les frais de gestion du système et améliorera la gestion du risque. La couverture assurantielle privée aura un rôle d’assureur supplémentaire, uniquement distribuée par des contrats individuels dans une approche mutualiste.

Ni le jacobinisme, ni l’hyper-administration ne répondront aux chocs technologiques, démographiques et épidémiologiques de la santé.

La réponse systémique proposée par l’Institut Santé est un changement radical par rapport à l’évolution (déclinante) actuelle du système et aussi une réponse qui replace notre idéal républicain de liberté, d’égalité des chances et de solidarité au cœur du nouveau modèle proposé, permettant un compromis social indispensable au succès de la refondation.

 

Tribune parue le 6 janvier 2019 dans Le Parisien


Signataires

Catherine Audard
Philiosophe,  London School of Economics, Spécialiste des questions de justice sociale

Pr Jean-Marc Ayoubi: Chef de service de gynécologie-Obstétrique hôpital Foch Professeur à la faculté de médecine de l’UVSQ

Dr AlainAmzalag Chirurgien Dentiste

Perle Bagot
Directrice associée du Hub Institute, Spécialiste de l’innovation technologique

André Balbi
Opticien, Président du Rassemblement des Opticiens de France

Pr Khaldoun Bardhi
Membre de l’Académie européenne des sciences et des arts

Pr Evelyne Bersier
Professeure de Sciences Sanitaires et Sociales, Spécialiste du droit de la santé,́ ESPE AMU

Frédéric Bizard
Economiste, ESCP Europe, Président Fondateur de l’Institut Santé

Dr Jean-Pierre Blum
Médecin, spécialiste du numérique

SandrineBourguignon
Economiste de la santé

Pr Pierre-Henri
Bréchat Médecin de santé Publique, Professeur Affilié, EHESP

DrPhilippe Breil
Chirurgien

Virginie Calmels
Première adjointe au Maire de Bordeaux et Vice Presidente de Bordeaux Métropole

Dr Jean-Marc Canard
Médecin, , Administrateur de la CARMF, Ancien Président de la SFED

Jean-Luc Chassel
Maître de conférences à l’UFR Droit et Science politique, université Paris-Nanterre

Pr Eric Cheysson
Chirurgien vasculaire, Chef de service, Président de la Chaine de l’Espoir

Dr LaurentChneiweiss
Psychiatre

Alain Coulomb
Ancien directeur de la Haute Autorité de Santé

Dr Philippe Cuq
Chirurgien vasculaire, Président de l’Union des Chirurgiens de France

Dr Jean-François Damour
Médecin spécialiste

Arnaud Danse
Directeur Publication Ophtalmo.TV

Dr Florencede Rohan-Chabot
Praticien Hospitalier, Psychiatrie, Ancienne Président de l’Intersyndicale nationale des chefs de clinique et assistants

Pr Alain Deloche
Professeur de chirurgie, co-fondateur de « Médecins du monde » et fondateur de l’association « La Chaîne de l’espoir »

Dr Jean-Louis Dulucq
Chirurgie digestive, Directeur de l’Institut de chirurgie laparoscopique de Bordeaux

Pr Jean-Noël Fabiani
Professeur Emérite Université Paris Descartes, Membre de l’Académie de médecine et du Conseil de l’Ordre des médecins

Pr René Frydman
Professeur en gynécologie Obstétrique, Spécialiste de la santé de la femme et des questions éthiques

ChristelleGalvez
Directrice du pôle soins, CHU Léon bérard Lyon

Anne Genay Opticienne
Benoit Godiard Professeur de Sciences médico-sociales

Dr Xavier Gouyou-Beauchamp
Chirurgien orthopédiste

Thierry Guerrier
Journaliste, animateur de télévision

Richard Hasselman
Président de Libr’Acteurs

Karim Hatem
Consultant système de santé

RolandInan
Enseignant Paris Dauphine, Membre du Comité de pilotage de Master à Paris – Dauphine

Dr Marianne Karbassi-Zadeh
Pharmacienne

Dr Nathalie Kerjean-Pons
Pharmacienne, chef de service, APHP

Dr Gérald Kierzek
Médecin urgentiste

Pr Laurent Lantieri
Chirurgien, APHP, Professeur des Universités

Pr Christian Latrémouille
Chirurgien cardiaque, Professeur des Universités, Chef de service HEGP, APHP

Dr Frédéric Laude
Chirurgien de la hanche

Dr Jean-Yves Le Goff
Chirurgien Bariatrique, Pionnier de la Chirurgie Laparoscopique Digestive

Dr Bernard Llagonne
Chirurgien Orthopédiste

Dr Philippe Marre
Secrétaire général de l’Académie Nationale de Chirurgie

Dr Jean-Philippe Masson
Médecin radiologue, Président de la Fédération Nationale des médecins radiologues

Dr Jean-François Meunier
Anesthésiste

Pr Jean Mouiel
Professeur des Universités, Chirurgien des Hôpitaux

Nada Nadif
Consultante en management de la santé

Dr Jean-LouisNathan
Chirurgien orthopédiste

Pr Jean-PierreOlié
Professeur des Universités, Membre de l’Académie de médecine

Pr Patrizia Paterlini-Bréchot
Professeure de biologie cellulaire et d’oncologie à la faculté de médecine Necker-Enfants malades

Dr DidierPlanchot
Chirurgien-Dentiste

Dr Marie-JoséeRenaudie
Médecin spécialiste

Didier Rosset
Opticien

Pr Marie-Eve
Rougé-Bugat Médecin généraliste, Professeur des Universités

Pr OlivierSaint-Lary
Médecin généraliste, Professeur des universités, Vice Président du Collège National des Généralistes enseignants (CNGE)

Pr Philippe Sansonetti
Professeur au Collège de France, Chercheur à l’Institut Pasteur et à l’INSERM

Dr Rami Selinger
Chirurgien Plasticien

DanielSolaret
Conseil et expertise en systèmes d’informations  Santé

Dr Patrick Solera
Chirurgien-Dentiste, Président de la fédération des syndicats dentaires libéraux

Pr François Vialla
Professeur de droit, Membre du Haut Conseil de Santé Publique


 

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